JEFF BECK: Live at The Hollywood Bowl (2017)



Ce concert date de l’été 2016 et célèbre les cinquante ans de carrière de ce génie de la guitare, véritable monument de la musique. Entouré d’une formation réduite qui fait preuve de parité (un batteur, une bassiste et une guitariste rythmique), le grand Jeff balaye largement les décennies et son répertoire en proposant pas moins de vingt-deux morceaux avec quelques invités prestigieux et une abondance de moments forts dont voici un petit résumé. Le surdoué de la six-cordes attaque avec quelques titres de la période Yardbirds, épaulé par Jimmy Hall (le chanteur de Wet Willie) qui n’a rien perdu de sa superbe voix. Défilent ainsi « Over under sideways down » (avec une incroyable démonstration technique), « Heart full of soul » et « For your love ». Jeff rappelle au public qu’il est un guitariste hors du commun avec « Beck’s bolero » et sa subtile partie de slide. Décontracté et sûr de lui, il sourit de toutes ces dents juste avant de faire vraiment mal à l’auditoire au niveau du son et du toucher. Jimmy Hall revient pour une version aussi inspirée que destructrice de « Morning dew ». Puis c’est au tour de Jan Hammer (le vieux complice depuis l’album « Wired » en 1976) de s’installer aux claviers pour « Freeway jam » (avec une sonorité de guitare extraterrestre pour cet hymne du jazz-rock des seventies), « You never know » (où Jeff envoie un solo d’anthologie), « ‘Cause we’ve ended as lovers » (une superbe ballade transfigurée par le jeu de vibrato de Jeff) et « Star cycle ». Jeff en profite aussi pour balancer un blues intergalactique (« Big block ») avec une guitare débridée et un solo impressionnant. La chanteuse Beth Hart se pointe sur « I’d rather go blind ». On se demande d’ailleurs ce qu’elle fait là, à se dandiner sur scène, alors que Jeff explose de gammes saisissantes de mélodie (bon, après tout, c’est lui le patron et il choisit qui il veut). Après, les choses deviennent nettement plus sérieuses avec l’arrivée de Buddy Guy, un des derniers bluesmen de légende encore en vie. Les deux compères se livrent à un beau duel sur « Let me love you » et ça fait mal. Ensuite, le délire atteint son comble quand Billy Gibbons lui-même déboule sur scène pour féliciter Jeff de ses cinquante années de carrière et lui en souhaiter cinquante de plus (ah, l’humour texan !). « Rough boy » permet à Jeff de lâcher un solo de folie tandis que Billy reste fidèle à sa sonorité d’origine. Quel bonheur de voir ces deux géants de la guitare réunis ! Enfin, le chanteur bondissant d’Aerosmith Steven Tyler se déchaîne sur « Train kept a-rollin’ » (où Jeff décoche un solo à faire pâlir tous les hard rockers de l’univers) et « Shapes of things » (de l’époque Yarbirds). Le concert s’achève sur « Purple rain » en hommage à Prince, décédé quelques mois auparavant. La voix de Jimmy Hall aurait mieux convenu à cette chanson mais c’est Beth Hart qui décroche la timbale et crache dans le micro tout en jouant les vedettes (on s’interroge encore une fois mais on ne peut que s’incliner devant les choix du Maître). Les lumières se rallument, la salle exulte. Jeff semble heureux et il salue le public de la main. Tout au long de ce show inoubliable, Mister Jeff n’enlève pas ses lunettes de soleil mais il ne se départit pas de son sourire ni de son plaisir de jouer. Son style n’a pas pris une ride et les gros plans judicieux mettent en avant sa technique incroyable faite de jeu aux doigts, de glissés de cordes et de maniement de vibrato. Quant au son, Jeff reste fidèle à sa ligne de conduite : tout à fond ! Ce concert mémorable nous montre donc Jeff Beck au sommet de son art, patron incontesté de la Stratocaster hurlante. Cinquante ans de carrière, c’est beau ! Et avec le grand Jeff, on peut être certain que ce n’est pas fini !
Olivier Aubry